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Photo du rédacteurThomas Delage

CHRONIQUES SEDANAISES II

8 JANVIER 2025


Le stade vélodrome sedanais (1933 – 1993)


Nous reprenons notre série sur les Lieux de mémoire du football sedanais : Dans le premier épisode du mois de septembre, nous avions (re)découvert le stade du Bourrelet, édifié, voilà un siècle, en 1924, sur le lieu du futur temple sportif ardennais, le stade Emile Albeau.



Sur ce plan de Sedan (paru dans le « Matot-Braine », édition de 1912), nous pouvons situer l’ancienne promenade du Bourrelet qui englobait les anciens fossés (en bas du document).Nous allons dans cet article faire une petite entorse au football pour nous tourner (juste en face) vers un site sportif aujourd’hui disparu, et totalement oublié, le vélodrome de Sedan, qui intégrait donc cet espace compris entre la Promenade et le jardin d’horticulture (le futur jardin botanique).


Nous poursuivons notre voyage dans le temps avec un stade méconnu, le vélodrome sedanais (au bas de cette carte postale des années 1960).



Alors que plusieurs manifestations sportives et cyclistes se sont déjà tenues, l’appel à l’inauguration du stade Vélodrome se déroula un… 18 juin… 1933. (La photo est prise depuis le stade municipal de foot).


Nous allons donc faire un petit écart (quoique ?!) dans notre parcours mémoriel sur le patrimoine footballistique sedanais. En France,  après les hippodromes, ce sont les vélodromes qui connaissent une forte croissance à la fin du XIXème siècle. Après avoir été une activité des élites, le vélo devient une pratique de masse grâce à la baisse du prix des bicyclettes. Ce loisir devient un sport de compétition avec les premières courses sur route, puis sur piste (années 1890). Dans de nombreuses villes françaises, le vélodrome est très souvent associé à d’autres pratiques sportives. Ainsi de nombreuses équipes de football de l’Hexagone utilisent le terrain central pour y disputer leurs matches au début du XXème siècle. Ce qui ne fut pas le cas à Sedan : En effet, dans l’ancienne « cuvette » du Bourrelet, le vélodrome Jean-François Dury jouxtait le stade Emile Albeau, et ce, dans le prolongement du Boulevard Fabert. Telles deux âmes sœurs, ces deux stades ont été indissociables de la vie sportive de la cité de Turenne pendant plus d’un demi-siècle.


Photo prise depuis la tribune du stade vélodrome


C’est lors de la séance municipale du 28 mai 1932 (en présence du maire Emile Albeau, entouré, entre autres, de messieurs Schmitt, Lepage et Trubert) que fut votée la décision de doter la ville de Sedan d’un vélodrome et d’un terrain d’athlétisme (courses à pied, sauts, lancements, basket-ball…). Le coût global s’élève alors à 500 000 anciens francs dont 105 000 A.F. de subvention de l’Etat. Le reste est donc à la charge de la municipalité sedanaise, notamment sous la forme d’un emprunt. « Il sera édifié sur le terrain du Bourrelet, primitivement désigné à cet effet » (Le Petit Ardennais du 10 mai 1932), nécessitant tout de même de déplacer de quarante mètres vers la Meuse le terrain de football, aménagé dès 1924.



    Extrait du « Petit Ardennais », daté du 27 avril 1933

 

Il fut construit pendant le premier semestre de l’année 1933. Les plans définitifs du vélodrome furent présentés par Mr Chanzout, architecte à Charleville, sur les bases d’un projet du géomètre sedanais, Mr René Dumay. Et l’ensemble fut l’œuvre de l’entreprise des frères Gabella.

La piste mesurait 300 mètres de longueur, pour une largeur de 4,90 mètres, avec un revêtement en ciment. Une petite tribune (de 25 mètres sur 6), d’une contenance  de 250 places, en ciment et avec une charpente métallique, fut édifiée. Au même moment, la première tribune en bois du stade du Bourrelet - datant des années 1926/1927 - fut refaite, et avec la même orientation géographique (Attention, à ne pas la confondre avec la future « petite tribune d’Albeau » datant de 1948, et située en face, le long de la rue Berthelot).


Photo (datée de 1952) de l’unique tribune du vélodrome (Fonds Roger Vincent).

 

Une porte monumentale est également installée. Et c’est exactement la même qui fut prévue juste en face pour l’entrée du stade municipal (encore dénommé, stade du Bourrelet). Il faut attendre l’année 1936, et le décès du premier édile sedanais, pour voir s’élever de part et d’autre les célèbres colonnes « STADE » et « ALBEAU ».


Photo prise depuis l’intérieur de l’entrée du Vélodrome (datée de l’après-guerre). Nous apercevons d’ailleurs à l’arrière-plan la petite tribune d’Albeau.


Pour remplacer le logement trop exigu (se trouvant sous la petite tribune du stade de foot, remontant à 1948), une maison est également bâtie en 1961 pour abriter le concierge/gardien des deux stades côte à côte, puis ses successeurs. Le plus illustre des gardiens est sans conteste Joseph Diaz, dit le « Père Diaz ».


L’inauguration du vélodrome eut donc lieu le 18 juin 1933 pour le Grand Prix de Torcy, remporté par Emile Joly. Le mauvais temps fut de la partie. Mais le Club Vélocipédique Sedanais (C.V.S.) du président Brillant réussit à attirer des champions d’épreuves nationales et internationales. De grands moments de cyclisme ont ainsi été vécus dans la cité de Turenne. Notamment sur le mythique vélodrome.

Le Club Vélocipédique Sedanais (C.V.S.) fait partie des plus anciennes sociétés sportives sedanaises. Il a déposé ses statuts en 1891.


Avant la Seconde Guerre mondiale, ce petit temple du cyclisme  accueillait des coureurs aussi populaires que Legreves, Maurice Archambeau, Guy Lapébie, Manteau, Royer ou encore le Belge Melemberg. Les sprints sentaient la poudre ! On y dénombrait près d’un millier de spectateurs à chaque fois…

Aout 1936 : Le groupe du C.V.S s’est réuni autour de Level, Walle, Marcaillou, Ferrari, Ferreira, Goy, Proux…, ainsi que Mrs Brillant et Lantenois (photo du « Petit Ardennais »).


Au cours des décennies suivantes, cette enceinte sportive a accueilli de nombreuses épreuves cyclistes dont la célèbre course Paris-Sedan. On peut également citer des concours de gymnastique ou des compétitions de motos.

1950 : La fête de la Jeunesse gymnastique devant un public nombreux, au Vélodrome (collection Robert Dian).

 


Le cyclisme sur piste connut ainsi ses heures de gloire à Sedan dans ce vélodrome atypique par ses deux virages différents, et qui fut à l'origine d'innombrables titres de champion de Champagne tels que J.L. Vellenriter et S. Magny.


Après-guerre, beaucoup de champions qui ont fait les beaux jours de la Grande Boucle, sont passés par les Ardennes. Nous pouvons citer Stephen Roche, les frères Simon, un champion olympique Daniel Morélon, le soviétique Ekimov ou encore Greg LeMond (Deux fois champion du monde en 1983 et 1989, et triple vainqueur du Tour de France en 1986, 1989 et 1990) qui avait fait parler son talent sur les pistes ardennaises en remportant une étape du circuit des Ardennes en 1980, dont l’arrivée se disputa sur… le Vélodrome.


L’une des dernières vedettes du Vélo Club Sedanais (V.C.S) fut Emmanuel Magnien, qui fut ensuite professionnel chez Castorama.

On peut aussi rappeler que Williams Boillot participa aux championnats du monde des juniors à Mexico un an après le titre de champion de France. Relevons également les médailles d'Argent (poursuite) et de Bronze (route) de Jean-François Dury lors des championnats du monde juniors à Buenos Aires en 1979.


Originaire de Sedan, Jean-François Dury a été un coureur cycliste sur route français. Son dernier résultat est la 3ème place pour le Championnat du Monde Junior sur Route en 1979. Ce jeune champion trouva la mort dans un accident de la route la veille de son départ pour les Jeux Olympiques de Moscou en 1980. La municipalité sedanaise décida de donner son nom à ce vélodrome avant de le vouer à la destruction au début des années 1990.

 


 Le 17 juin 1951, pendant le championnat cycliste de Champagne, le sparnacien Serge Blin franchit la ligne d’arrivée au sprint devant Hubatz au vélodrome Emile-Albeau (encore ainsi nommé) !

 

Les deux photos suivantes sont datées de 1965 et 1972. A présent, nous apercevons à l’arrière-plan la maison du gardien des deux stades, ainsi que la Grande Tribune d’Albeau.




 

    



Le vélodrome en 1981.

 

 Le vélodrome en 1983.

 

En juin 1956, un orage se transforma en déluge au cours d’une soirée. La foudre tomba sur un peuplier centenaire qui s’écrasa sur la tribune officielle du stade vélodrome.


Dans la série des catastrophes, l’ancien Vélodrome fut envahi par la Meuse lors de la terrible crue de 1995.

 

Cependant, au début de l’année 1993, le Vélo-Club Sedanais du président René Pierret (héritier des présidences passées de Menetrey, Stempfel ou encore Salmon) compte alors encore une cinquantaine de licenciés, mais n’accueille plus que quelques dizaines de personnes pour une à deux courses annuelles.

La commission de sécurité s’est rendue sur place le vendredi 5 mars 1993. Elle émet un « avis défavorable dans ce lieu (…) Il est même dangereux de permettre l’utilisation du vélodrome ». Ni manifestations sportives, ni entrainements donc… Il était devenu trop vétuste. D’ailleurs, il n’était plus entretenu depuis quelques années. La piste était en très mauvais état. Le pourtour du terrain était à vérifier. Les marches d’accès du chemin de ronde étaient à refaire. De même les bancs de la tribune devaient être refixés. Enfin, les sanitaires, le chauffage et le gaz étaient eux aussi à remettre en conformité.


Titre de « L’Ardennais », 5 avril 1993.


Soixante ans après sa construction, il fut question pendant un très court moment d’une possible rénovation, mais le Vélodrome fut finalement détruit dans le courant de l’été 1993. Seule son entrée principale fut conservée. Le conseil municipal du 28 juin 1993 acta sa démolition. Le groupe d’opposition PS vota l’ordre du jour à condition d’une politique en direction du quartier de la ZUP où la jeunesse manquait d’espace. La majorité emmenée par Claude Vissac accepta à l’unanimité (moins une voix) pour sa reconversion en lieu d’accueil pour les activités d’éducation physique à destination des élèves, en aire de jeux et parking.


Début juillet 1993, les premiers engins commencent la démolition du vélodrome.


Eté 1993 : Le vélodrome est totalement détruit, et avec lui, c’est tout un pan de l’histoire du cyclisme ardennais qui s’en va…


Bernard Grelardon qui œuvra dans le domaine sportif sedanais (ancien président du comité directeur du circuit des Ardennes) n’a jamais compris pourquoi il n’avait pas été reconstruit…voire rénové… D’abord coureur-cycliste de 1947 à 1955 au Vélo Club Sedanais, puis vice-président de 1989 à 1993 et Président du Cercle Sportif Sedanais (1980/1998), il contribua aussi à la création du club cycliste « Sedan-Sprint Club » (1974).

La famille Grelardon tenait une maison de vente et de réparation de cycles depuis 1910.


Une grande déception s’empara du monde du cyclisme local. Toutefois le cyclisme ardennais continue malgré tout sa vie : Passage du Tour de France, le 7 juillet 2003, continuation du circuit des Ardennes, organisation du critérium international, challenge national de cyclo-cross…


Pour refaire le lien avec le sujet initial du ballon rond, les footballeurs sedanais de l’UAST pouvaient s’entrainer sur le vélodrome très tôt le matin. Sous la houlette de Louis Dugauguez, ils enchainaient les tours de terrains, s’adonnaient à des exercices physiques, mais aussi pouvaient taper le… ballon ! Il arrivait également que ce terrain puisse servir pour l’échauffement avant les matches professionnels.

Entrainement matinal dans les années 1960.


Maurice Hardouin et Roger Wicke en 1970.     

        

Roger Lemerre fait de la course sur la piste du vélodrome (en 1969).


 

« Sedan notre ville », n°14, octobre 1997.


Le site de l’ancien vélodrome est aujourd’hui composé d’un parking, d’une aire de jeux de 250 mètres carrés (ensemble terminé au printemps 1998), et d’un centre commercial qui se prénomme… « le vélodrome » !

L’entrée (délabrée) du stade vélodrome Emile Albeau – Jean-François Dury a été conservée.


Une aire de jeux remplace l’ancienne piste cycliste.


Le stade Louis-Dugauguez veille sur les âmes des stades disparus.


Le centre commercial, dit du "vélodrome"


La maison dite du « Père Diaz », ultime vestige de ce siècle révolu, a été détruite dans le courant de l’année 2023.

 

Thomas DELAGE


Dans le prochain épisode des « Lieux de mémoire » du football sedanais, nous quitterons le vélodrome (en haut de cette carte postale de la fin des années 1950) pour traverser la rue et (re)découvrir le mythique stade Emile Albeau !

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